Arsène MUZERELLE (né en 1919) : premier épisode sous couvert d'introduction

 

Arsène Muzerelle ? C’est pour moi, en 1968, la véritable découverte de la musique, après neuf ans de piano, trois ans de chorale, un peu de musique de chambre... J'ai découvert à la fois l'orgue à la cathédrale, autrement que par le disque, le vrai travail choral avec les "Alouettes de Champagne", et tout un petit monde à part baignant dans la musique avec la "Maîtrise" de la rue Chanzy.

Bien que mon intégration ne fût jamais totale dans ce microcosme rémois très typé – en grande partie à cause de mon caractère sauvage de sanglier ardennais – ce furent deux années de vie musicale passionnante qui déterminèrent mes goûts musicaux et mes choix futurs. Jamais je n’ai rencontré par la suite, avec d’autres chefs de chœur célèbres français ou allemands, cette précision, cette exigence, ce dynamisme, cet humour aussi (les mimes et autres mimiques !), enfin cette union  chef choristes que j’ai vécue avec Arsène Muzerelle.

 

Rares furent par la suite les moments d’émotion intense comme ceux que j’ai éprouvés sous l’orgue de la Cathédrale lors de l’intégrale J-S Bach, des concerts Grigny, Couperin, Franck, Vierne, Langlais, Litaize, Messiaen… ou quand les soprani de la Maîtrise atteignent d’une envolée diaphane la clé de voûte du chœur.

Depuis 1975, Arsène Muzerelle vient régulièrement en concert à Mouzon avec SA Maîtrise, assurément une des toutes premières de France, avec SON Ensemble Vocal, SON Ensemble Instrumental et SON travail de titan dans l’interprétation des grandes œuvres du répertoire. 1968 – 1998 : 30 ans d’enthousiasme, de connivence et d’indéfectible fidélité, bref 30 ans d’amitié. Quand on connaît le caractère d’Arsène Muzerelle, c’est quelque chose ! J’en suis donc très fier et très reconnaissant à la fois.



Sa dernière venue "CLOVIS" à l’Abbatiale en 1996 fut un moment musical d’une rare perfection et d’une rare intensité en concert ; par bonheur, l’enregistrement des deux œuvres capitales de Georges Moineau, la "Messe de Saint Remi" et l’oratorio "Clovis", est impeccable et le CD qui vient d’en être édité marque pour moi le couronnement de nos 30 ans de communion musicale REIMS – MOUZON. Je ne crois pas à une quelconque "retraite" d’Arsène Muzerelle. Nous sommes très nombreux à attendre "Arsène 2, le retour" !… aux claviers de grandes orgues ou à la tête d’un chœur qu’il pourra de nouveau modeler de ses mains souples et aériennes en arabesques graciles ou d’une poigne de fer dans les immenses architectures sonores, dans les petites pièces délicates d’orfèvrerie… Merci Arsène, et à bientôt. (à suivre)

 

Arsène, MOUZON, 1996

 

Deuxième épisode (17 février 2000) :

Une fois n'est pas coutume, le ton enjoué et résolument optimiste de cette rubrique vire légèrement de bord aujourd'hui : comment se fait-il que notre maître à presque tous dans la région, notre Arsène inimitable, notre exceptionnel chef de chœur et organiste, soit toujours au chômage technique sur la grande scène rémoise ?

Certes, depuis qu'il a dû quitter sa charge de Directeur de la Maîtrise et de Maître de Chapelle en juin 1998, depuis qu'il a - par réaction - démissionné de son poste d'organiste titulaire de la Cathédrale, Arsène Muzerelle garde une grande amertume qui le pousse au scepticisme et à la misanthropie. Si on ajoute à cela une fierté bien légitime et son indéfectible souci d'indépendance et de liberté individuelle, il faut bien admettre que la "remise en route" de notre Kapellmeister n'est pas des plus aisées.

Mais enfin, comment la Ville de Reims et la Paroisse de la Cathédrale ont-elles pu laisser "partir" Arsène, rémois de naissance, fidèle à ses postes depuis plus d'un demi-siècle - et souvent de façon bénévole - incroyable artisan et interprète hors pair des plus grandes œuvres du répertoire pour orgue, chœurs et orchestre, ... sans un seul petit mot de reconnaissance, sans aucune proposition de nouvelle activité musicale ? Certes, l'expérience montre qu'il y a peu de reconnaissance à attendre sur cette terre, mais à ce point ...

Donc nous lançons malgré tout, dans cette mer d'indifférence, mâtinée de médiocrité et de jalousie, une bouteille d'espoir en faveur de notre ami Arsène Muzerelle, lequel s'est amusé - oisiveté forcée oblige - à établir un bilan chiffré de sa carrière :

(à suivre)

 

Troisième épisode (mars 2001) :

Du nouveau chez Arsène : les 50 ans des "Alouettes de Champagne" qui furent prétexte à un grand rassemblement des choristes ayant chanté sous sa baguette (sans baguette le plus souvent) pendant près d'un demi-siècle. C'était le 23 septembre 2000 à Reims, un moment émouvant où 180 bouches ont pu chanter à nouveau avec lui quelques pièces célèbres du répertoire. Mais "notre Arsène à nous" (Achille Talon) a eu aussi la bonne idée de réaliser un CD souvenir de ce demi-siècle choral en puisant dans des enregistrements extraordinaires de 1960-1967-1973 et 1975. (On peut acheter ce CD à Liliane Dardenne, 44 rue du Jard, 51100 REIMS - 100F envoi inclus - chèque à l'ordre de : ALEVCA). Ajoutons à cela notre CD "Clovis" (1998 - œuvres de Georges Moineau), le CD "Les voix de la Cathédrale" réalisé avec la Maîtrise en 1996, quelques vieux enregistrements (Ballif ; Noël à la Cathédrale de Reims ; l'Oratorio de Noël...) et nous avons un petit reflet de ce que furent ces 50 années de musique "muzerellienne". Un vœu pour terminer cet épisode : qu'Arsène accepte de réaliser un ou plusieurs CD souvenir de ses concerts d'orgue à la Cathédrale : Bach, Franck et Messiaen en particulier ! (à suivre)

 

Quatrième épisode (décembre 2002) :

Incroyable mais vrai, Arsène a accepté ! Et il m'a apporté en mai dernier, peu avant son 83e anniversaire, tous ses concerts, originellement sur bandes Revox, copiés sur CD par ses soins, car il est devenu expert en informatique. Nous avons fêté le tout au restaurant "La Maison des Échevins" avant qu'il ne reparte, au volant de sa puissante Xantia, vers la métropole champenoise. Archevêché de Reims et Abbaye de Mouzon ont toujours été historiquement liés ... La filiation se poursuit chez les organistes. Donc, dès que je suis "débarrassé" des dernières éditions mouzonnaises en cours, je m'attaque à une édition "historique" rémoise : Arsène aux claviers du grand Victor Gonzalès de la Cathédrale. C'est pour bientôt ! (à suivre)

 

Un ouvrage de référence :

Histoire de la Maîtrise,
des origines à nos jours

par
Patrick DEMOUY
Michel DRICOT
Janine GRASSIN

1996

 

 

Cinquième épisode (août 2008) :

Ca va viendre, comme on dit dans les Ardennes. Et il y a du nouveau ! Tellement du nouveau que je vais avoir du travail pour rattraper le temps perdu. Tant pis pour moi ... Mais Arsène, du haut de ses 89 ans et en bas du Luberon (eh oui, il n'est plus Rémois !) attend impatiemment la suite. Vous aussi j'espère, amis fidèles lecteurs de ces portraits ...

 

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