Christophe MOUCHEREL (1686 - ?) : premier épisode en manière d'introduction.

 

Quel personnage génial et fantasque ! Son Mémoire Instructif, imprimé par lui-même à Rodez, est d'une infinie richesse et d'une saveur incomparable. On apprend énormément sur lui-même, sur les usages et les personnes de son temps… qui ressemblent ô combien à nos contemporains ! Finalement, depuis trois siècles, bien peu de choses ont réellement changé, hormis la carriole hippomobile devenue automobile.

Son portrait est cependant difficile à brosser : à Mouzon, en 1723, il a 37 ans et vogue déjà au sommet de son art. S'est-il représenté dans une des "huit grandes figures qui sont au buffet" ? Il ne semble pas, les têtes d'anges au léger sourire, façon Mona Lisa, étant d'une facture courante à l'époque. Mais on peut se le représenter ainsi assez aisément. Pas de signature non plus dans tous les graffitis retrouvés sous la peinture marron 19e siècle, et lus fébrilement pendant des nuits à la lampe de Wood ! Rien que le tracé au compas à pointe sèche des tailles et de la disposition de tous les tuyaux de façade, au revers des trophées instrumentaux du soubassement… lequel a servi, avant d'être monté, de table à dessin. Le buffet est un modèle d'équilibre dans les proportions, d'élégance Louis XV (oh les belles "courbes faces" !) et de raffinement sculptural sans excès.

Christophe Moucherel dirige en maître ses compagnons, ainsi qu'un menuisier et un sculpteur recrutés sur place. Combien sont-ils à l'ouvrage ? Nul ne le sait, mais l'orgue, "le jubé avec ces balustrades", peut-être un escalier, "un tambour des plus beaux, les portes cintrez et bombez à cadre, les côtez aussi bombez en-dedans avec des pilastres d'origue qui supportent le fardeau de l'orgue", tout cela est terminé en deux ans ! Ce petit monde d'artisans est sans doute logé et nourri à l'abbaye.

Notre ami Christophe paraît assez cultivé, autodidacte évidemment (d'où l'orthographe approximative dont il prie le lecteur de bien vouloir l'excuser), et d'une insatiable curiosité. Instable de nature, audacieux, il devait être d'un commerce passionnant… mais sans doute peu reposant. Il avait ce vrai goût de l'aventure qui n'existe pratiquement plus aujourd'hui et qui fait que tout est envisageable… et réalisable. Citons simplement - en attendant plus amples détails - quelques aspects de cette vie dont on finit par perdre la trace : "Facteur d'orgues, ci-devant Maître Menuisier et Tourneur à Toul et à Metz, Architecte, Machiniste (la recherche du mouvement perpétuel !), Facteur de Clavessins et de toutes sortes d'instrumens à vent, Maître Fondeur en Caractères d'Imprimerie à Paris, et à présent à Rodez ville capitale du Roüergue." M. DCC. XXXIV.

A ALBI, où il a construit deux instruments, dont le chef-d'œuvre de la Cathédrale, une association de concerts porte son nom. (à suivre)

 

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