André MARCHAL (1894 - 1980) : premier épisode masqué en introduction.

 

Mes souvenirs à propos d'André Marchal sont déjà lointains, mais quelques temps forts émergent cependant : les trois chorals de Franck et improvisation à l'orgue de la Cathédrale de Reims, invité par Arsène Muzerelle vers 1970, deux visites chez lui, rue Duroc, dont une avec la petite troupe de l'A.F.S.O.A., menée par Jean-Albert Villard, où il nous a démontré gentiment, diplomatiquement mais fermement, que nous nous étions fourvoyés dans une vision par trop "intégriste" et sclérosante de l'orgue, le tout ponctué par une longue improvisation sur la Voix Céleste.

Quelle agilité de l'esprit et du corps, alors qu'il approchait des 80 ans ! Sa conversation était un régal, tant par le contenu - il parlait de Louis Vierne, de Gigout, de Bonnet, comme s'ils étaient encore dans la pièce à côté - que par le style élégant, fleuri, raffiné, dont il ornait des propos toujours pertinents, jamais péremptoires ni polémiques, mais parfois brodés de petites piques teintées d'humour… qui faisaient mouche. L'agilité physique aussi, qui le faisait asseoir sur son banc d'orgue, ou se lever, avec une rapidité qui s'apparente à celle de Lucky Luke tirant plus vite que son ombre. Et si un tuyau venait soudain à sortir de son accord, hop ! Il était debout sur son banc, l'accordoir à la main, pour ramener cet impertinent dans le droit chemin. Outre son orgue Victor Gonzalès avec lequel il ne faisait qu'un, il possédait aussi une collection d'horloges et de montres toutes plus musicales les unes que les autres… engouement bien fréquent chez les organistes, même voyants, pour ces étranges machines qui, tel la musique, égrènent le temps dans un chapelet de fleurs sonores.

A Mouzon, il inaugura en septembre 1973 les travaux de remise en état d'un orgue difficile à jouer, tant la mécanique était dure et la console mal disposée. Maurice Pinsson, alors son élève, m'avait proposé de lui demander ce concert. Je n'aurais moi-même jamais osé, vu les défauts majeurs cités plus haut. Mais il avait accepté d'emblée, avec enthousiasme, pour un cachet bien maigre, afin d'apporter sa pierre à l'édifice de restauration d'un instrument au passé si prestigieux. Son concert fut un grand moment, indicible. Son improvisation sur Ave Maris Stella également. Il a tenu à registrer seul, comme d'habitude. Deux petites remarques sur le "biniou", qui restent gravées dans ma mémoire : "Monsieur Gélu, vous avez un cromorne aquatique", en parlant de quelques tuyaux de la fameuse deuxième octave qui éructaient des borborygmes bien peu musicaux. Mais aussi : "Vous avez une bien belle biquette !", en faisant chanter la Voix Humaine du Récit.

Je vais tenter un jour d'exhumer de mes archives quelque document inédit, lettre ou bande magnétique. Ce sera matière à deuxième épisode ! (à suivre)

 

 

 

André MARCHAL

et son orgue Victor GONZALÈS,

22 rue Duroc à Paris

 

 

 

 

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