Olivier LATRY (né en 1962) : premier épisode en fantaisie d'introduction.

 

A une brave dame qui se pâmait d'admiration à la tribune de Notre-Dame de Paris : "Mais c'est incroyable, comment faites-vous ?", Olivier répondit simplement : "Mais c'est mon métier, madame."

Cependant, métier, études, travail acharné, excellents maîtres… n'expliquent pas tout. Je considère Olivier comme un surdoué de notre siècle, tel qu'on en rencontre rarement dans sa vie, et comme un ami, simultanément, simplement, avec lequel on blague et on mange. Notre première véritable rencontre, c'était au cours d'un stage d'orgue français classique en 1986 à L'Épine, où j'ai écorché quelques pièces de François Couperin (ah, les doigtés anciens !). Mais dès lors, je savais qu'Olivier Latry inaugurerait l'orgue de Mouzon à la fin de sa restauration… encore à peine décidée. Contre vents et marées d'ailleurs, car Barthélémy Formentelli n'avait de cesse de m'en détourner : "C'est un symphoniste, il ne saura jamais jouer mon orgue". C'était bien mal le connaître et, dès le dernier accord du concert inaugural évanoui dans la grande nef, le même Barthélémy, quelque peu confus, avouait qu'il s'était trompé (on l'avait, en fait, fort mal renseigné). Depuis, Olivier Latry va inaugurer ses orgues en Italie…

Notre-Dame de Paris et Mouzon ! Voilà bien deux instruments radicalement différents : Olivier sait s'adapter - très rapidement - à toute espèce de "biniou", pourvu qu'il ait une âme. A Mouzon, après l'avoir entendue d'en bas, Olivier a tâtonné la bête pendant deux ou trois minutes, puis la musique, nette et sans bavures, s'est élevée, prenante, dense, envoûtante. L'orgue et l'organiste ne faisaient déjà plus qu'un. A Paris, la même symbiose magique émeut quelques milliers de personnes (un peu plus qu'à Mouzon), et l'on peut rester "scotché" à la tribune du dimanche matin au dimanche soir sans entendre deux fois la même chose, répertoire ou improvisation.

L'improvisation ! Cette spécialité bien française atteint avec Olivier son paroxysme, à mon humble connaissance. Tous les styles peuvent ressurgir sous ses doigts, d'un grand prélude et double fugue à la manière de Jean-Sébastien Bach, à la paraphrase grégorienne symphonique, en passant par le grand plein jeu français avec trompette en taille ou… le pastiche de tel ou tel autre confrère. Quelques secondes de concentration préalable lui suffisent. Et que dire quand Olivier improvise à sa manière ? J'en ai encore des frissons dans le dos. C'est un métier, certes…

Au fait, Olivier, quand reviens-tu à Mouzon ? Le jambon d'Ardenne et le pain aux noix n'attendent plus que toi, et j'essaierai enfin de te convaincre que les déclinaisons de l'adjectif épithète, en allemand, ce n'est pas si difficile que ça ! (à suivre)

Deuxième épisode (mars 2001) :

Non, je ne peux pas faire ici une chronique suivie du Maître, véritable "Notre-Dame globe-trotter" de l'orgue, portant haut et fort les couleurs de l'École Française d'Orgue (popomme popomme pomme pomme pomme poooomme popomme... etc.) sur les 5 continents et peut-être plus loin encore. Je peux simplement noter deux atterrissages 2000, l'un de printemps, le 15 mai à ROME, l'autre d'automne, le 17 septembre à L'ÉPINE (Marne), dans le sens contraire des oiseaux migrateurs (Olivier ne fait pas les choses à moitié). A Rome, entre bénédiction de midi et messe du soir, nous avons visité la basilique Saint-Pierre (où Notre-Dame de Paris tient à l'aise, il y a un repère au sol qui l'indique) et mangé une glace à l'orée du Vatican pour fêter mes 50 ans (eh oui !). La visite de Rome en bus de ligne fut brève mais fort agréable. Mais trêve de bavardage : "et l'orgue dans tout ça ?" (Jacques Chancel)

Eh bien ce fut le deuxième grand choc de ma carrière, le premier étant le grand Moucherel d'Albi présenté par Mary Prat-Molinier. Olivier a improvisé de façon à mettre en valeur les qualités multiples de ce petit 77 jeux, en fait le grand 16' de Dom Bédos avec quelques suppléments, ce qui en fait un instrument véritablement néo-classique d'un genre nouveau et très réussi. Fort heureusement, toutes ces improvisations furent enregistrées afin de réaliser un CD souvenir exceptionnel dont je parle un peu dans la rubrique "Surprise", mais dont la distribution reste paroissiale. Les Romains n'en sont pas encore revenus de voir qu'un organiste seul peut exécuter - de mémoire - de nombreuses pièces du répertoire (dont le "Carillon de Westminster" de Vierne) ou improviser tout en registrant lui-même parmi les 77 tirants entièrement mécaniques.

"Il peut le faire", disait Francis Blanche. "Il l'a fait" (dis-je).

A L'Épine le 17 septembre, ce fut autre chose : une messe de bénédiction d'un orgue splendide de style saxon 18e siècle de... 8 jeux ! (Le facteur : Rudi Jacques ; l'heureux propriétaire : Jean-Christophe Leclère. Voir nos "portraits" les concernant) Il œuvrait en "tournette" avec Marc Pinardel, autre phénomène de l'impro dont nous reparlerons bientôt. Eh bien non, cette gymnastique ne fut ni "gesticulatrice" ni ostentatoire : la musique accompagnait dignement la liturgie ou commentait avec beaucoup de naturel et de distinction. Quelle leçon pour nous autres, humbles et obscurs organistes de campagne ! (à suivre)

Troisième épisode (décembre 2002) :

En fait, je n'ai rien à dire de nouveau, à part quelques visites à la tribune de Notre-Dame où l'on est toujours si bien accueilli, véritable repère des organophiles du monde entier. (à suivre)

 

Quatrième épisode (juin 2007) :

Voilà bien longtemps (quatre ans et demi en fait) que je n'avais plus parlé de notre étoile nostradamussique (étymologie à étudier !), lequel m'a reproché dernièrement - à juste titre - la parution ci-dessus d'une photo romaine peu amène ... angine et fièvre en étaient la triste cause. (NDLR 2008 : j'ai retiré cette photo lamentable !)

Eh bien j'ai décidé de me racheter avec l'image suivante, pétante de santé, de bonne humeur et de bulles ...

 


de gauche à droite : Olivier LATRY, Jean D'ALBI, Marc PINARDEL.
Titre : "La troisième mi-temps"

 

... bien que "politiquement incorrect", eu égard à l'interdiction de publier dans les journaux des photos de personnes tenant un verre à la main ("incitation à la boisson" : quelle stupidité !).

Ce cliché remarquable, que je n'hésite pas à insérer en haute définition (merci l'ADSL pour ceux qui l'ont), et signé Anne-Marie (merci Anne-Marie !), immortalise la rencontre mouzonnaise du siècle de trois improvisateurs débridés, le 27 mai 2005 en l'abbatiale.



Voici le commentaire que j'ai pu proférer à l'occasion, visiblement inspiré des élèves de collège que j'avais encore à l'époque :

Ca a réellement "déchiré grave" en ce 27 mai 2005 ! Je conserverai toujours un souvenir ému de cette soirée d'improvisation, ainsi que du bœuf jazzy post couscous du lendemain (comprenne qui pourra). On y fêtait à la fois les 25 ans de "Présence de l'Abbatiale", mon départ de la présidence, et mon départ pour l'Italie. MERCI du fond du cœur à Olivier LATRY, Marc PINARDEL et Jean D'ALBI.

Et pour terminer par une note plus musicale, quoique insolite, voici encore un souvenir de cette soirée, toujours signé Anne-Marie :

 

Titre : "Ce n'est qu'un au-revoir mes frères"
(C'est Olivier qu'a commencé, M'sieur !)

 

(à suivre)

 

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